Le maréchal-ferrant
Depuis quelques bulletins, nous passons en revue les métiers en relation avec le travail du fer qui se pratiquaient dans notre village. Il en était quelques-uns, très proches bien que différents, qui étaient souvent exercés par le même homme. Ces métiers qui nécessitaient le même outillage et gravitaient autour de la forge étaient ceux de forgeron, de charron, de maréchal-ferrant, de taillandier. Pour exemple, Jean CAMPOT, du village de Grosbot, qualifié de maréchal à la naissance de ses enfants Jean en 1771 et Jeanne en 1776, est devenu taillandier à celle d’autres Jean(s) en 1779 et 1788.
Pratiqué par nombre de nos anciens et ce, jusqu’à un temps relativement récent, maréchal ferrant est un vieux métier qui, semble-t-il, n’était pas connu des peuples de l’Antiquité. Inventé par les Germains, il aurait été introduit en Gaule vers les IVème ou Vème siècles, lors des invasions barbares.
C’est à cette époque qu’est apparu en France le ferrage des chevaux. Il est fort probable que cette invention fut longue à se propager dans tout le pays et surtout dans le monde paysan où l'usage des chevaux dans l'agriculture était rare, et l'usage du ferrage des bovins tout autant. Dans la nature, les chevaux n'ont pas besoin de fer, la corne du sabot poussant de manière constante à raison de près d'un centimètre par mois. Mais les chevaux utilisés dans les champs, et plus encore ceux qui servent aux transports des personnes et des biens, voient leurs sabots s’user plus rapidement que le remplacement naturel. Le ferrage des chevaux devient indispensable sinon il faut attendre que la corne se refasse en mettant l’animal au repos. A l'inverse, comme la corne continue à pousser, il faut régulièrement remplacer les fers, les pointes qui les fixent se trouvant dans les parties fragilisées et anciennes du sabot, ce qui entraine la perte régulière des fers par les animaux.
Avec le perfectionnement de l’agriculture, le développement de la culture attelée et l’essor du cheval dans les transports, le maréchal-ferrant est devenu un personnage clé du village qui, de l’aube au couchant, vit au rythme de son marteau, frappant en cadence sur l’enclume.
C’est lui qui ferre les chevaux, les mules et les vaches, fabrique et répare les versoirs et les pièces en fer des charrues, des attelages, tout l’outillage à main nécessaire aux travaux des champs et les outils des artisans du village. Il forge également bien souvent les objets de la vie domestique, en particulier ceux qui servent à la cuisine dans l’âtre : crémaillères, landiers, trépieds et grils...
L’atelier du maréchal
Une enseigne, le bouquet de saint Éloi (saint patron de la corporation), où se mêlent souvent fers et outils, signale la présence de la forge.
Celle-ci, appelée également « boutique », est un local relativement sombre, noirci par la fumée du foyer, dont la pièce-maîtresse est, bien sûr, la forge proprement dite et son soufflet. Juste à côté se trouvent l’enclume qui résonnait du battage du métal et la cuve pleine d’eau pour refroidir le fer incandescent. Au-dessus de l’établi appuyé contre un mur sont accrochés des outils et des fers, de formes et de tailles diverses.
Non loin de la forge, dans la cour, se trouvait souvent le travail (ou trémail) qui était un bâti en poutres de chêne dans lequel on immobilisait l’animal à l’aide de sangles, pour le ferrer en relative sécurité.
Comme les cloutiers, certains maréchaux ne possédaient pas en propre leur forge et la détenaient, sous forme de fermage, d’un marchand de fer qui fournissait également la matière première et se réservait l’exclusivité du travail du contractant.
Ainsi le 5 août 1712, Jacques LHOMME, sieur de Lalande, demeurant à CHARRAS, afferme une forge « servant à l’usage de maréchal » à Pierre DUMAS dit La Ramée, maréchal à La Peige, paroisse de ROUGNAC. « En considération de la présente ferme, ledit DUMAS a promis et sera tenu de travailler pendant le présent bail pour ledit sieur de Lalande de sondit métier de maréchal, le sieur de Lalande le payant de ses salaires à proportion de son travail, lesquels salaires seront réglés sur le pied des autres maréchaux voisins, et lui fournissant le fer qu’il pourra ouvrer sans que ledit DUMAS puisse travailler pour d’autres personnes qu’au cas où ledit sieur de Lalande ne lui voulût fournir de fer… » (2E 2729)
Quant aux soufflets, nous avons évoqué dans notre article sur les cloutiers l’existence, dans la région, d’ouvriers « souffletiers », fabricants de soufflets, comme Pierre EMARFILLE du Coussadeau, commune de SERS, qui reconnaît, le 22 février 1830, avoir reçu de Jacques CHARLES, dit Toussaint, maréchal à CHARRAS, 15 francs pour la façon d’un soufflet de forge qu’il lui a fait. (2E 11392)
L’apprentissage
Le maréchal est un personnage important sur le plan économique et social : de par son activité aux multiples facettes, mais également parce que sous l’ancien Régime, il était le seul à avoir droit à un nombre illimité d’apprentis.
L’apprentissage s’effectuait de façon similaire à celui en vigueur dans la corporation des cloutiers (et certainement dans tous ces anciens métiers manuels). Là encore, des contrats étaient passés devant notaire entre la famille de l’apprenti et celui qui acceptait de lui faire découvrir le métier.
Nous n’avons pas trouvé d’exemple concernant notre village, mais l’extrait des minutes de notaire qui suit pourrait tout autant s’y appliquer.
1er novembre 1701 –
" Jean RENON, maitre maréchal ferrant, demeurant de présent Chez les Texier, paroisse de ROUGNAC promet à Simon FOURESTIER, marchand, demeurant à Lémerie, paroisse de ROUGNAC de prendre en sa compagnie le nommé Pierre FOURESTIER et autres enfants de Simon FOURESTIER, pendant le temps et espace d’un an à commencer de ce jourd’hui pendant lequel temps RENON s’est obligé de montrer aux enfants de Simon FOURESTIER son métier de maréchal ferrant et à les faire travailler pour s’instruire dans ledit métier de maréchal.
Simon FOURESTIER pour cet effet sera tenu de leur fournir le fer et le charbon, et tout ce que RENON et les enfants feront reviendra au profit seul et particulier dudit Simon FOURESTIER, à la réserve des relèves du cheval qui reviendront à RENON ; moyennant quoi Simon FOURESTIER sera tenu de nourrir et entretenir ledit RENON et ses enfants pendant le temps d’un an ou de donner pour cet effet à RENON la somme de 50 livres payables pour moitié à la fête de Noël prochaine et le reste dans un an…
Outre laquelle somme, ledit FOURESTIER consent et promet que RENON travaille pendant ledit espace de 1 an dans sa boutique qui est au bourg de ROUGNAC et de lui fournir une de ses chambres pour son logement seulement et en la compagnie dudit Simon FOURESTIER attendu qu’il est sur le point d’y aller faire sa demeure…"
Le ferrage :
Nous avons recueilli en 1995 le témoignage de Jean NAUZIN, mécanicien agricole demeurant à La Serve, qui avait pratiqué le métier de maréchal ferrant de nombreuses années avant de se recycler. Il nous avait montré comment fabriquer un fer et expliqué la pose de celui-ci.
Les fers à chevaux sont achetés en principe dans le commerce dans différentes grandeurs de 01 à 3. Ce sont les pointures courantes ! Dans ces numéros, il se trouve les fers avant et arrière, le droit et le gauche.
D’une épaisseur de 15 mm, ils ont tous une forme différente, suivant le travail demandé au cheval. Les fers pour les pattes avant sont plus arrondis, pour les pattes arrière plus allongés.
Ils sont percés d’étampes, emplacement des clous. La pointe des branches s’appelle éponge. L’arrondi du fer comporte un bout tordu ou pince qui s’emboite sur l’extrémité du sabot pour caler le fer. Il faut savoir que les fers pour bourricots et mulets n’ont pas de pince. Dans certains cas, il faut faire le fer à la demande du pied.
Fabrication d’un fer
Le maréchal prend une barre de fer brut, mise à longueur voulue à l’aide de la tranche (ciseau d’acier trempé, muni d’un manche, sur la tête duquel on frappe pour couper le fer à chaud ou à froid), et il la met dans la forge.
Lorsqu’elle est rouge, il la saisit avec une tenaille de forge pour tenir les fers plats et la pose sur l’enclume composée d’une forme plate appelée table et d’une partie arrondie, la bigorne.
A l’aide du marteau, il travaille le fer plat pour lui donner la forme d’un fer à cheval. Ceci doit être fait rapidement car le fer est très malléable tant qu’il est chaud.
Sur la partie plate de l’enclume, il sort la pince, élément recourbé de la partie ronde du fer.
Enfin, avec le marteau à étampes, il perce l’emplacement ou étampure des trous pour les clous.
Préparation du sabot
Ceint de son tablier de cuir, le maréchal va s’occuper du cheval. Celui-ci a été attaché à un anneau extérieur à l’entrée de la forge. Mais s’il s’était agi du ferrage d’un bœuf, on se serait servi du travail pour le maintenir.
Le ferrage à la française nécessite deux personnes : le maréchal ferrant et un aide pour tenir le pied. Pour le ferrage à l’anglaise, le maréchal est tout seul.
L’aide saisit le pied du cheval et avec une courroie à boucle mise dans le genou, il présente le sabot. Si le cheval n’a pas perdu ses fers, on les lui retire. Quand le ferrage remonte à trois ou quatre mois, il y aura simplement un relevé, c’est-à-dire une remise en état des fers. Ce relevé ne peut avoir lieu qu’une fois.
Pour enlever les fers, le maréchal-ferrant dérive les clous avec le rogne-pied et la mailloche, puis arrache fers et clous à l’aide d’une grosse tenaille, le tout venant ensemble.
Avec le rogne-pied (morceau de lame de sabre), il nettoie et coupe la corne, c’est ce qui s’appelle parer le pied.
Dans le cas d’un cheval récalcitrant, on lui pose un tord-nez (corde fixée au bout d’un bâton).
Durant cette préparation, le fer a été mis à rougir dans la forge, il est posé chaud sur la corne du sabot, laquelle en brûlant dégage fumée et odeur caractéristiques. Certains chevaux qui ne supportent pas la fumée sont ferrés à froid. Les bœufs sont également toujours ferrés à froid.
L’empreinte prise, pince et arrondis sont rectifiés si nécessaire. Lorsque le fer bien ajusté a refroidi dans le baquet d’eau qui se trouve attenant à la forge, il est fixé sur le sabot du cheval.
Les clous sont spéciaux, taillés en biseau à forme d’étampe, de 5 à 6 centimètres de longueur. Il y a différents numéros de clous en fonction du fer utilisé.
La dernière étape, le cloutage, est très délicate. Monsieur NAUZIN nous a dit que le plus difficile pour lui avait été de travailler sur « pièce vivante ». Il a mis quatre à cinq ans avant de prendre sur lui, ayant peur de blesser les chevaux. Pour éviter cela, il faut prendre soin d’enfoncer le clou en biais dans la corne du pied de l’animal, côté plat vers l’extérieur. L’extrémité du clou étant rabattue sur la corne.
Une fois le fer posé, on fignole l’ouvrage à la râpe, assis sur le billot, petit tabouret à trois pieds.
Pour ranger mailloche, chasse-mouche, tenaille, rogne-pied… le maréchal-ferrant a une boite à ferrer à quatre pieds et poignée centrale.
Le « reliage »
Le forgeron ou maréchal-ferrant n’est pas un homme riche. En général, on lui payait son salaire en nature, une fois par an, après la moisson. Jusqu’au début du XIXème siècle, on disait le reliage pour désigner ce salaire et les contrats de métayage en précisaient les modalités et ses obligations : « sera levé sur le monceau commun un boisseau de froment tous les ans pour bailler au maréchal qui entretiendra les ferrements et autres outils de la métairie », « …pour la réparation des instruments aratoires et le ferrage des bestiaux », « …pour l’aiguisage des fers de charrue ».
Il faisait beaucoup de petits travaux, de petites réparations rémunérées sous forme de troc. Le meunier le paie en farine, le fermier en volailles, légumes, grains ou bois de chauffage, d’autres encore troquent leur travail contre celui du maréchal... S’il y a un paiement en numéraire, il se fait deux fois par an, notamment à la Saint-Éloi ou à Noël.
Il surgissait parfois des différents entre le maréchal et le métayer au sujet du reliage[1]. Le juge en était saisi. Ainsi le 28 décembre 1830, le maréchal ferrant DUBOIS et le métayer HERIAUD, tous deux de CHARRAS, se présentèrent devant le juge de Paix à MONTBRON. Le maréchal réclamait au métayer « neuf dixième d’hectolitre de blé, pour prix d’abonnement annuel, à partir de la Saint-Michel 1829 jusqu’au jour de la Saint-Michel 1830, des ouvrages à faire pour raccommodage d’instruments aratoires ».
Le fer nécessaire au maréchal pour réparer l’outillage de la métairie était fourni par le propriétaire. Chaque année ce dernier donnait une certaine quantité de fer à son métayer, en échange de son « droit de volaille », le métayer devant délivrer dans l’année à son propriétaire un certain nombre de poulets, chapons, œufs…
Le poids du fer donné au métayer allait en moyenne de 6 à 20 livres par an, cela dépendait de l’importance de la métairie : « le bailleur fournira aux preneurs quatre kilogrammes de fer par paire de bœufs et ce pour l’entretien des charrues ». Dans cette métairie à deux paires de bœufs, le métayer recevait donc chaque année 8 kg de fer. Ce fer était acheté aux marchands de fer de la région, et en premier, à ceux de notre village…
Les maréchaux de CHARRAS
Avant 1900, nous avons trouvé pas moins d’une vingtaine de maréchaux qui ont exercé dans le village. Nos renseignements, classés chronologiquement, proviennent de l’exploitation de deux sources : les registres paroissiaux pour le XVIIIème siècle et les recensements quinquennaux pour le XIXème.
-Léonard CHARLES né vers 1667, époux de Marie TABOURIN. Nous apprenons qu’il est maréchal par les contrats de mariage de son fils Etienne en 1719 avec Marie MICHAUD puis après le décès de cette dernière, en 1724 avec Jeanne LÉGIER, fille de Simon LEGIER et Françoise PIAT.
-Etienne CHARLES, né vers 1695, fils du précédent, est également maréchal (mêmes sources).
-Simon LÉGIER, beau-père du précédent est aussi maréchal (selon les mêmes contrats de mariage). A la naissance de sa fille Jeanne en 1702, il est qualifié de maître armurier. A celle de son fils Charles en 1714, il est arquebusier, et en 1721 pour sa seconde fille Anne, il est dit maître arquebusier.
-Pierre AUDIGIER, né vers 1710, époux de Léonarde LAPAIRE, il est maréchal, ce que nous apprenons à la naissance de sa première fille Léonarde en 1743.
-Jean AUDIGIER, maréchal, est parrain de cette enfant. En est-il de surcroît l’oncle, nous l’ignorons. Né vers 1715, fils de Guy AUDIGIER cloutier et de Jeanne BONBINET, il habitait COMBIERS avant son mariage en 1747 avec Catherine LAMBERT. Il était alors dit cloutier. Il décède en 1751 au Bourg.
-Léonard MICHAUD est né en 1727 à CHARRAS, de Pierre, marchand, et Magdelaine CLERGERIE. Epoux de Marie PAUTIER, il décède en 1788. Par l’acte de naissance de son fils Jean en 1753, nous savons qu’il est maréchal.
-Pierre CHARLES, nait à CHARRAS en 1734 de Pierre, cloutier, et Jeanne GENDREAU. Marié avec Jeanne CONAN (1740-1790) dont il a 9 enfants, il décède à La Plaigne en 1786. C’est à la naissance de ses jumelles Françoise et Marie en 1772, que l’on apprend qu’il est maréchal.
-Jean CAMPOT l’aîné est né en 1749 au village du Moulin Neuf à COMBIERS. Son père Jean est taillandier lors de sa naissance et maréchal au mariage de son fils en 1770. Jean CAMPOT l’aîné, avec son épouse Jeanne BROUILLET, sont installés à Grosbot. Ils ont 10 enfants et, comme mentionné en début d’article, il est lui-même cité tantôt comme exerçant le métier de maréchal, tantôt celui de taillandier…
-Louis DUCHÉ, né vers 1753, marié avec Louise MAZEAU, est maréchal au Bourg. Ils ont 5 enfants dont un sera également maréchal.
-Pierre CHARLES, né en 1761, époux de Magdeleine MENUT, exerce en tant que maréchal, au bourg, entre 1793 et 1818 selon les actes de naissance de ses 10 enfants.
-Jean BROUILLET, né à ST GERMAIN de MONTBRON en 1763, est maréchal comme son père. Il épouse Marie LAGARDE à CHARRAS en 1790.
-Léonard BOYER est né Chez Pichoux en 1767 de Léonard, cloutier et Marguerite MARCHOU.
-Raymond DUCHÉ, fils de Louis, maréchal au Bourg, né en 1785 à CHARRAS, marié avec Louise LOUDEIX, 4 enfants.
-Jean CAMPOT, fils de Jean CAMPOT l’aîné et Jeanne BROUILLET, né en 1788, célibataire, décède en 1816 à Grosbot.
-Jacques CHARLES, dit Toussaint aîné, né en 1807 au Bourg, fils de Pierre et de Magdelaine MENUT, est maréchal comme son père et propriétaire à son mariage avec Catherine MALAVERGNE. Il décède en 1882.
-Pierre DUBOIS, né au Boucheron en 1807, fils de Philippe DUBOIS et de Françoise CAMPOT, neveu de Jean CAMPOT l’aîné, maréchal et taillandier, décédé en 1854 d’une fluxion de poitrine.
-Léonard PARCELIER, né en 1811, époux de Marguerite CHARLES est serrurier selon le recensement de 1846, forgeron au Bourg en 1851, maréchal ferrant au Bourg en 1856 et de nouveau forgeron au Bourg en 1861…
-Henri BOURGEOIS né à FEUILLADE en 1832 épouse en 1858 Angélique CHARLES, fille de Pierre CHARLES (né en 1761). Il est maréchal, propriétaire, marchand de bois, conseiller municipal, adjoint au maire. Il décède en 1908 à CHARRAS.
-Jean DELUGEIN nait à NANTEUIL, en Dordogne, en 1840 et épouse à MAINZAC en 1867 Françoise NOËL fille de Philippe NOËL, maréchal à MAINZAC. De cette union vont naître, au Bourg, Maria et Augustin. C’est là qu’il décède en 1913 après avoir exercé les professions d’aubergiste et maréchal ferrant.
-Jean SACRISTE, né en 1853 à CERCLES (Dordogne). Son père est cultivateur. Epoux de Marie VIGIER, il demeure au Bourg où il exerce en tant que maréchal d’après l’acte de naissance de son fils Frédéric en 1881. Il y décède en 1923.
-Henri BOURGEOIS, fils d’Henri et Angélique CHARLES, naît à FEUILLADE en 1859. Fils de maréchal, maréchal également, marchand de bois, il sera aussi maire adjoint puis maire de CHARRAS de 1904 à 1908. Il décède en 1949.
-Gabriel DURRIEU, est né à
BORDEAUX en 1868. Domicilié à GURAT, il épouse en 1893 Maria DELUGEIN, fille de Jean, maréchal. Il est qualifié de maréchal au Bourg à son mariage et à la naissance de sa fille Mélina en 1896. Il
décède en 1899.
-Frédéric SACRISTE, fils de Jean SACRISTE (ci-dessus), nait au Bourg en 1881. Selon le recensement de 1901, il est maréchal, ce qui est confirmé à son mariage en 1908 avec Léontine Marie JOANNY dont il eut 4 enfants. Il a été conseiller municipal de 1919 à 1944, est décédé en 1970.
A ceux-ci peuvent s’ajouter les charrons :
-Fabien FORESTIER, né en 1784, exerce en tant que charron aux Vergerons à la naissance de ses enfants en 1816 et 1817, ce qui est confirmé par les recensements de 1836 et 1841. Il décède en 1844.
-François LAVOIX, né à Grosbot en 1819, est signalé charron par les recensements de 1846 et 1851, exerçant au Bourg à cette dernière date. En 1856, il est recensé comme soldat ! Maréchal des logis au 10ème régiment d’Infanterie, il avait été fait Chevalier de la Légion d’Honneur par décret du 19 avril 1843, et bénéficiait alors d’un traitement annuel de 250 f payable par semestre, avec jouissance à compter du 1er juillet 1876, jusqu’à son décès à BORDEAUX en 1892 (Cf. CHA n°46).
-François FORESTIER, né en 1828, fils de Fabien FORESTIER est également charron, mais au Boucheron (recensements de 1851, 1856 et 1861).
-André GILLARDEAU, né en 1831 à NANCRAS (Charente-Maritime) est charron aux Vergerons. Epoux de Madeleine DEBAUCHÉ, il décède en 1911.
Quelques lignes encore pour évoquer les apprentis, les commis, les ouvriers, souvent étrangers au village, qui sont néanmoins comptabilisés dans les recensements.
En 1846, Jean SIMONAUD, âgé de 15 ans, est apprenti forgeron chez Pierre DUBOIS et Henry COSSON (22 ans) également domicilié à Grosbot, y est compagnon charron.
En 1861, Pierre BERTRAND, âgé de 20 ans, est commis charron au Bourg chez François FORESTIER.
En 1872, Rodolphe LANTEREAU, né en 1846, est apprenti charron au Bourg chez André GILLARDEAU.
En 1881, toujours chez André GILLARDEAU, nous y trouvons Armand COUDRET, âgé de 21 ans, employé comme ouvrier charron.
A cette date, Marcelin GABOULOT, du même âge, est ouvrier maréchal chez Joseph DELUGEIN avec Martial MONDOUX, de 10 ans son aîné. En 1886, il n’y a plus qu’un seul ouvrier maréchal, c’est Jean MOULINIER (né en 1825).
Pierre DÉCOMBE, âgé de 22 ans est lui aussi ouvrier maréchal mais chez Frédéric SACRISTE.
En 1891, Henri BEINEIX, 16 ans et Victor MOUSSEAU, 22 ans, remplacent Jean MOULINIER chez Joseph DELUGEIN, au Bourg.
Avec les familles CAMPOT, CHARLES, DELUGEIN, NOËL nous avons de véritables dynasties d’artisans travaillant le fer qui font commerce entre elles, se fréquentent, se marient, parrainent les enfants qui naissent de ces mariages, sont témoins auxdits mariages ou présentes aux décès … au-delà même des seules limites du village.
Au 20ème siècle
Lorsqu’en 1999 Robert COLOMBESKI évoque ses souvenirs de jeunesse, il nous parle de la famille DELUGEIN qui tenait, avant la guerre de 1914, un café hôtel restaurant là où demeure aujourd’hui René BARDOULAT.
Joseph DELUGEIN était propriétaire, maître d’hôtel et maréchal ferrant avant de décéder en 1913. Fils de Joseph, Augustin était forgeron et sa forge se trouvait à l’emplacement où Mme BARDOULAT tenait son épicerie. Quand l’auberge ferma après la guerre, la forge continua à fonctionner jusqu’au décès d’Augustin, en août 1950.
Son fils Alphonse avait aussi sa forge dans une grange sur l’allée des Tilleuls jusqu’à la fin des années 1950 environ. Il habitait la maison en face de chez les RABIER. Elle lui venait de sa grand-mère qui était une ROBIN dont la famille construisit le petit château (villa Bellevue).
Ces faits sont confirmés et complétés par les renseignements fournis par le recensement de 1901 :
-dans la « maison 12 » du bourg habitent Joseph DELUGEIN âgé de 61 ans, qualifié de maître d’hôtel, et son épouse Françoise NOEL âgée de 56 ans.
-dans la « maison 14 » : Jean SACRISTE âgé de 48 ans, maréchal, avec son épouse Marie VIGIER, âgée de 42 ans, couturière et leurs enfants : Frédéric 19 ans, maréchal – Mathilde 15 ans couturière – Augusta 13 ans et le grand-père, autre Jean SACRISTE, âgé de 75 ans.
-dans la « maison 17 » : Maria Augustine DELUGEIN 27 ans vit avec Yvonne DURIEU sa fille âgée de 3 ans, Augustin DELUGEIN 22 ans, son frère, maréchal ainsi que Jean-Marie DURIEU son beau-père âgé de 65 ans.
-à Maison Neuve, François GILLARDEAU, 76 ans, charron, vit avec son petit-fils André ROBIN, 26 ans, également charron.
Enfin, autre témoignage, celui de Monique HEUDIART née BARRIERE qui, revenue s’installer à CHARRAS où elle passait les vacances chez ses grands-parents maternels pendant la 2ème guerre mondiale, nous a évoqué son grand-père Jean GABOLAUD, maréchal ferrant et cloutier (peut-être le dernier du village), dont l’atelier était situé dans la petite cour, juste avant la maison qu’elle occupe aujourd’hui et qui était le troisième maréchal ferrant établi dans cette rue.
Cité plus avant, Jean NAUZIN a effectué la transition entre la traction animale et la traction mécanique en s’installant à La Serve en tant que mécanicien agricole, tout en conservant sa forge.
Pour le 21ème siècle, Christophe CHARBONNEAU a occupé un temps la forge de Jean NAUZIN, prenant en quelque sorte le relais, avant d’établir à VILLEBOIS-LAVALETTE son « Art du fer ».
Les taillandiers
Le taillandier fabrique des outils propres à tailler, à couper : par conséquence, hache de charpentier, planes de charron, couperets, fers de rabots, ciseaux de menuisier et de sculpteur, rabots à pierre, calibres de moulure, serpes, cognées, doloire, faux, cisailles, pics, pioches, bêches, houes, etc. On trouve le taillandier partout, puisqu'il fabrique des outils pour beaucoup d'autres ouvriers, du maçon au charpentier, du bûcheron au boucher. Mais ses clients de prédilection sont le paysan, le jardinier, le maraîcher et le vigneron.
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Ce corps de métier était autrefois divisé en plusieurs métiers : les taillandiers en œuvres blanches, les taillandiers grossiers, les taillandiers vrilliers et tailleurs de limes, les taillandiers ouvriers en fer blanc. Plus tard le taillandier est vraiment devenu l'artisan qui fabriquait les outils ayant un tranchant.
La matière première du taillandier est l'acier. Il était souvent fourni en barre de plusieurs mètres de long, que le taillandier coupait à la longueur voulue. Dans les temps de pénurie, ou pendant les guerres, le taillandier récupérait tout le métal qu'il pouvait afin de le "recycler". Parfois le taillandier fournissait aussi les manches des outils qu'il fabriquait lui-même en châtaignier ou en frêne. Les outils du taillandier sont les mêmes que ceux du forgeron. Il utilise bien sûr une forge pour chauffer le métal. Celui-ci est ensuite aplati au marteau par plusieurs ouvriers. Le taillandier utilisait également, comme le forgeron, une gamme de marteaux et de pinces de forge.
Nous avons évoqué ce métier en introduction comme étant voisin de celui de maréchal-ferrant. Selon certaines sources cette activité serait exercée par d’anciens maréchaux qui, en prenant de l’âge, auraient abandonné leur premier métier qui demande une certaine force physique, pour se réorienter vers une tâche moins pénible leur permettant de continuer à travailler le métal. Le suivi que nous faisons des quelques taillandiers de CHARRAS n’est pas aussi formel…
A CHARRAS aux XVIIIème et XIXème siècles, on recense sept taillandiers :
-Léonard CAMPOT, époux d’Anne MOMPION. Il a été père de 4 enfants dont l’aînée s’est mariée en 1745 avec François FOREST, charbonnier et le second, Léonard, est décédé à Grosbot en 1743.
-Jean COUTURIER, né en 1721, époux d’Elisabeth FAURE, exerce également comme cloutier, à Grosbot.
-Jean CAMPOT dont le père Jean était maréchal, a épousé Jeanne BROUILLET en 1770. Il était alors qualifié lui aussi de maréchal et demeurait à Grosbot. De cette union sont issus 10 enfants, tous nés à Grosbot. A leur naissance, il est qualifié de maréchal en 1771, 1772, 1774, 1776 – de taillandier en 1779 – de maréchal en 1780, 1782 – de nouveau taillandier en 1784, 1786 et 1788. Nous en avons parlé plus haut.
-François NOËL dit RABET est né en 1765. Il épousa Marguerite VIDAUD en 1787 dont il eut 13 enfants, nés à La Plagne. Taillandier en 1788, 1789, 1791 et 1792 – maréchal en 1796 – cloutier-taillandier en 1798 – taillandier en 1799, 1801, 1804 – de nouveau cloutier en 1806 – taillandier en 1808 – maréchal en 1810 et propriétaire en 1813.
-Vincent FOURNIER, époux de Marie CHARLES, demeurait au Bourg. De 1787 à 1792, il est dit taillandier, de 1795 à 1798, il devient cloutier.
-Jean DUBOIS (né en 1800), fils de Félix et Françoise CAMPOT, époux de Marie CHAPOURE est signalé comme taillandier en 1837, au mariage de son frère…
-Pierre DUBOIS (1807-1854), né au Boucheron, frère du précédent, époux de Marguerite PARCELIER, taillandier à son mariage et à son décès. Tous deux sont neveux de Jean CAMPOT et de Jeanne BROUILLET…
Le texte suivant, extrait des minutes de Maître GUYOT, notaire à ANGOULÊME, concerne la commande d’outils pour l’armée royale faite à deux marchands de notre village. On peut très bien imaginer que ceux-ci aient ensuite confié la fabrication de ces outils aux prédécesseurs de Jean COUTURIER, Jean CAMPOT ou François NOËL…
2E779 - 2 juillet 1652
Transaction entre
Pierre CANTILLAC, Commissaire de l’Artillerie du Roi, étant de présent à ANGOULÊME d’une part
Pierre LHOMME, Etienne et Simon LEGIER frères marchands, demeurant paroisse de CHARRAS, châtellenie de MARTHON, d’autre part
lesquels vendent à CANTILLAC :
- 800 palles-bêches (pelles) à douille de longueur chacune d’un pouce de Roi et de largeur d’un autre pouce plus que celle qui a été présentement montrée et représentée, plus forte et large de talon et le tranchant garni d’acier, la douille plus forte et large que à celle représentée
- 350 pix à hoinau (hoyau) (houes) aussi de fer qui seront un peu plus pesants que le modèle aussi représenté, et qui seront plus larges chacun d’un travers de doigt
le tout de fer bon et marchand que lesdits vendeurs seront tenus rendre et délivrer audit commissaire en la ville d’ANGOULÊME le 18 juillet prochain, sur les 9 heures du matin.
prix : 17 sols 6 deniers chacune pièce, l’une portant l’autre. Avance faite : 120 livres, le reste payé de temps en temps, à mesure de la délivrance.
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retour vers les anciens métiers
[1] Cf. Laboureurs d’Angoumois par Gabriel DELÂGE