Charras d'Hier et d'Aujourd'hui - Charras - 16 - cloutiers - collection de clous - formes, tailles, utilisations diverses

Sommaire de l'article :

- un saut dans l'histoire

- la corporation des cloutiers

- l'atelier du cloutier

- l'apprentissage

- cloutiers et marchands de fer

- ceux de CHARRAS aux 18è et 19è

- pourquoi tous ces cloutiers ?

- témoignage

Charras d'Hier et d'Aujourd'hui - Charras - 16 - planche de l'Encyclopédie de DIDEROT - le métier de cloutier
........Encyclopédie de DIDEROT ......... ...planche sur le métier de cloutier...
Charras d'Hier et d'Aujourd'hui - Charras - 16 - l'atelier du cloutier - au fond, dans la roue, son chien actionne le soufflet de forge -
........Le cloutier dans son atelier......... ...le soufflet de la forge est actionné par son chien (dans la roue au fond)
Charras d'Hier et d'Aujourd'Hui - Charras - 16 - enclume du cloutier - enclume de fonte - posée sur un billot ou "suchou"
...........enclume du cloutier.........
Charras d'Hier et d'Aujourd'Hui - Charras - Charente - Encyclopédie de Diderot - planche sur l'enclume et les outils du cloutier
.........Encyclopédie de DIDEROT........ ..l'enclume et les outils du cloutier..

« Petit ouvrage en or, ou argent, ou fer, ou cuivre, à pointe par un bout et à tête par l’autre, dont le corps est rond ou à faces, mais qui va en diminuant de la tête à la pointe et dont la tête est d’un grand nombre de formes différentes selon les usages auxquels on le destine : le clouLes clous en fer se forgent, les autres se fondent. Il y en a de deux sortes, les clous ordinaires et les clous d’épingles. On donne le nom de cloutier tout court aux ouvriers qui font les clous ordinaires, celui de cloutiers d’épingles aux autres… »

 

Dans son Encyclopédie, DIDEROT nous présente ainsi, en quelques phrases, ceux qui vont faire l’objet de ce dossier : le clou et le cloutier. Bien entendu, nous nous attacherons plus particulièrement à nous intéresser aux cloutiers de CHARRAS.

 

le métier de cloutier

Un saut dans l’histoire

                       

L’origine du clou est ancienne. Vers 3 500 ans avant J.C., en Mésopotamie, des clous en or servaient à fixer des feuilles de cuivre sur une statue. Au VIIIème siècle avant notre ère, Homère citait le clou comme cheville de bois dur permettant d’unir deux planches. Les romains fabriquaient des clous en fer pour garnir les chaussures des soldats et les préserver de l’usure. L’historien romain Tite-Live rapporte un étrange rituel expiatoire pratiqué dans les premiers siècles de la République romaine : lorsque se produisaient des calamités publiques, on nommait un dictateur qui devait planter un clou dans une paroi du Capitole… Voici aussi 2000 ans que Jésus de NAZARETH mourut crucifié par trois clous qui lui traversaient les mains et les pieds…

           

Longtemps forgés un par un à la main, les clous étaient, selon certains auteurs, des objets onéreux ; ce serait pourquoi ils seraient peu utilisés dans la construction, la charpenterie ou les meubles, où on leur préférait notamment les chevilles en bois.

 

Mais les premières machines à fabriquer des clous, brevetées en 1786 aux Etats-Unis et en 1790 au Royaume-Uni, vont concourir à l’extinction progressive de ce métier qui a contribué à façonner le paysage économique de notre village aux XVIIIème et XIXème siècles.

 

Dans l’ancienne France, il y avait donc deux sortes de cloutiers, les cloutiers d’épingles et les cloutiers tout court. Les premiers faisaient partie de la corporation des épingliers-aiguilletiers ; les seconds fabriquaient et vendaient des clous en qualité de membres de la communauté des cloutiers-lormiers[1]-étameurs-ferronniers. Tel est du moins le nom que portait au dix-huitième siècle cette réunion de métiers qui, bien que distincts à l’origine, avaient fini par n’en plus former qu’un seul, tant à cause de l’analogie de leurs produits que de l’importance restreinte de leur commerce.

 

Au treizième siècle, les cloutiers s’intitulent « feiseurs de claus pour atachier boucles, mordants et membres sur courroies ». Leurs attributions étaient donc fort limitées car il va sans dire que ces beaux échantillons de clous, de grandes dimensions, en fer ciselé, repoussé et souvent étamé, que nous a laissés le Moyen Âge et dont on peut voir un grand nombre encore en place aux portes de nos anciennes églises, n’étaient point l’œuvre des cloutiers mais plutôt celle des forgerons, des « fèvres », comme on disait alors, des serruriers, des fondeurs qui fabriquaient seuls des pièces de cette dimension.

 

 La corporation des cloutiers :

 

 Les cloutiers de PARIS, d’après les Statuts d’Etienne BOILEAU (Cf. livre des métiers – 1268), pouvaient avoir autant d’ouvriers que bon leur semblait, mais il ne leur était permis de prendre qu’un seul apprenti à la fois.

  

L’apprentissage durait six ou huit ans. Passé ce temps, l’apprenti était reçu ouvrier, puis maître. Une clause assez intéressante est celle qui permet à l’ouvrier de travailler dehors pour le public quand le maître n’a pas d’ouvrage à lui donner.

 

Les ouvriers possédaient donc comme un droit, ce qui dans les autres métiers n’était considéré que comme une licence. Il s’établissait de la sorte une espèce de concurrence entre le maître et l’ouvrier, circonstance qui devait souvent permettre à ce dernier d’ouvrir boutique pour son propre compte bien plus tôt que cela ne se pratiquait dans les autres métiers. Toutefois, les cloutiers ne furent jamais fort nombreux : on en comptait dix-neuf à Paris en 1292, et vingt en 1300.

 

Épingliers et cloutiers devaient le guet au roi ; mais, en revanche, ils étaient exempts de l’obligation de porter leurs produits au marché à certains jours de la semaine, ainsi que cela se pratiquait dans plusieurs métiers.

 

A la veille d’être supprimée à la Révolution, la corporation était organisée autour de quatre jurés qui régissaient la communauté. Deux d’entre eux étaient réélus chaque année et choisis l’un parmi les anciens, l’autre parmi les nouveaux maîtres. Le nombre des apprentis avait été porté à deux et le nombre des années d’apprentissage réduit à cinq.

 

A la différence des autres corporations, celle des cloutiers se voit dotée d’avantages particuliers, tels la possibilité de compter des femmes parmi ses membres ou encore, pour celle de Paris, de n’être point contrainte de s’adresser exclusivement aux Halles pour son appro-visionnement en matières premières. Peut-être les superstitions liées aux clous expliquent-elles le droit de tout cloutier de passage dans une ville, de disposer du gîte et du couvert, mais aussi les étranges rites observés par les compagnons cloutiers.

 

 Le compagnonnage durait deux ans pour les ouvriers de Paris, trois ans pour ceux de province. Le chef-d’œuvre exécuté au bout de ces sept ou huit années d’études donnait le droit d’exercer librement le métier. Lors des grandes cérémonies, le compagnon cloutier portait une culotte courte et un chapeau monté. Il avait les cheveux longs et tressés. A la mort d’un de ses compagnons, il ôtait son chapeau et dénouait ses tresses. Une forte solidarité liait les compagnons cloutiers entre eux.

 

Malgré un labeur acharné et mal payé, les cloutiers étaient connus pour leur jovialité. On bavardait autant qu'on frappait. Cependant il n'y avait ni chanson de métier proprement dite, ni contes ayant spécialement trait à la profession. Le métier est néanmoins solitaire, le cloutier n'ayant souvent pour seul compagnon que le chien qui entraîne la roue qui actionne le soufflet.

 

L’atelier du cloutier

                       

Le cloutier, travaille comme le maréchal, dans une « boutique ». C’est là qu’il a sa forge. Celle-ci se compose le plus souvent d’une paire de soufflets, d’une enclume et de quelques outils : place, mail, petits marteaux, tenailles droites et tenailles tortes, clavières à faire clous de lattes et clous de charrette… Cela tenait peu de place et une charrette suffisait pour déplacer aisément le tout. Le 18 novembre 1755, Jacques DELÂGE, cabaretier et marchand du bourg de ROUGNAC, afferme[2] une forge à Pierre VALLADE, cloutier du bourg de CHARRAS. Celui-ci charge la forge, à la vue du notaire, et « déclare la charroyer chez lui audit bourg de CHARRAS » (2E 4796)[3].

 
            Certains cloutiers étaient propriétaires de leur forge, mais beaucoup d’autres se contentaient d’affermer la forge dont ils avaient besoin. Les minutes notariales contiennent beaucoup de « fermes de forge ». Les propriétaires qui les donnaient à ferme aux cloutiers étaient presque toujours des marchands : Jean VALLADE, marchand au bourg de Rozet, paroisse de COMBIERS ; Raymond LEGIER, marchand cloutier au bourg de CHARRAS ; Léonard FORGERON, marchand au Clédou, paroisse de ROUGNAC…

               

Quand le bail était fini ou que le cloutier était mort, ou qu’il faisait de mauvaises affaires, le marchand reprenait la forge et l’affermait à un autre cloutier. La ferme était faite pour cinq ans, le plus souvent ; quelquefois 3, 4, 7 ou 9 ans. Le prix est presque toujours de 5 à 6 livres par an.

 

            Les soufflets de la forge vont toujours par paire. Si certains d’entre eux sont en assez bon état, beaucoup d’autres ont besoin de réparations. C’est surtout au cuir du soufflet que le cloutier s’engage à veiller avec soin. Il faut éviter de percer le cuir en le brûlant et il faut huiler ce cuir de temps en temps.

 

            Il est convenu que « sur le terme de la seconde année, le preneur emploiera 26 sols pour avoir de l’huile pour huiler les soufflets » (2E 4796) ou encore « un soufflet double en bon état, nouvellement graissé d’huile d’olive, garni de sa ferrure de clous ronds, à la charge par les preneurs de graisser le jour de la livraison le susdit soufflet de deux kilogrammes et demi d’huile d’olive, et ce en présence du bailleur » (2E 11478).

 

            Dans l’entretien des soufflets, les « frais du raccommodage fait de la main de l’ouvrier seulement » étaient à la charge du cloutier, le proprié-taire s’engageant, pour sa part, à « fournir le cuir nécessaire » (2E 2710).

 

            Il y avait dans la région des ouvriers « souffletiers », fabricants de soufflets, comme Pierre EMARFILLE du Coussadeau, commune de SERS, qui reconnaît, le 22 février 1830, avoir reçu de Jacques CHARLES, dit Toussaint, maréchal à CHARRAS, 15 francs pour la façon d’un soufflet de forge qu’il lui a fait (2E 11392).

 

            Dans certaines régions, le soufflet était actionné par une roue à augets, qui était elle-même entraînée par une petite chute d’eau créée généralement par un bief. Dans d’autres, c’était au moyen d’une roue mise en mouvement par un chien qui courait à l’intérieur sans s’arrêter.

 

            L’enclume est soit « un enclume de fer battu », soit « un enclume de fonte » (4). Son poids varie de 100 à 200 livres. Afin d’être à la bonne hauteur, l’enclume est posée sur son billot, le « suchou » (5).

 

     L’enclume était composée de plusieurs éléments qui avaient chacun une fonction bien précise. Fixée verticalement il y avait d’abord la lame (4) appelée tranche sur laquelle le fin barreau d’acier ou verge était sectionné. Puis venaient deux pièces de métal d’une hauteur inégale, la place (2) sur laquelle le cloutier façonne la jambe du clou, et le pied (1) dans lequel venaient s’encastrer les clavières (cloutières) (3) amovibles où étaient façonnées les têtes des clous. Il y avait autant de cloutières que de types de clous. Celles-ci sont percées d’un trou vertical où s’engage la jambe du clou.

 

            Après avoir chauffé au rouge le barreau de métal, la pointe était alors forgée sur la place ou sur le pied selon la grosseur du clou, puis le barreau était sectionné à bonne longueur sur le ciseau avec un seul coup de marteau. En fait, il n’était que partiellement sectionné afin d’éviter d’avoir à le ramasser ce qui aurait constitué une manipulation supplémentaire, donc une perte de temps. C’est seulement une fois le barreau dressé dans la cloutière que la longueur précédemment « marquée » par le ciseau était détachée. En deux ou trois coups de marteau sur l’extrémité, la tête était alors formée. Enfin, un dernier coup de marteau donné par en dessous éjectait le clou de la cloutière à moins que celle-ci ne soit équipée d’un ressort métallique (6) servant à régler la longueur du clou et à l’éjecter à la fin de l’opération. Il retombait alors dans une boite en tôle, la poêle, déposée au pied de l’enclume.

 

            Dans un paquet de verges de 25 kg, il fallait fabriquer 20 kg de clous, les ratés, les chutes, la perte par calamine devaient être faibles. Les mesures utilisées étaient :

-          la livre : 2,5 livres = 1 kg, soit 400 g pour la livre

-          le pouce : 36 pouces = 1 m, soit 28 mm pour un pouce

-          la ligne : 12 lignes = 1 pouce, soit 2,3 mm pour une ligne.

 

Un bon cloutier forgeait, selon la taille, entre cinquante et cent clous à l’heure. Le métier était dur, douze à treize heures par jour, et demandait une certaine force physique mais qui ne devait pas manquer d’habileté. Une fois forgés, les clous étaient revendus au marchand ou fabricant, ce que l’on appellerait aujourd’hui un grossiste, lequel en assurait la commercialisation.

 

 Comme les marchands qui afferment les « forges à cloutrerie » sont souvent des marchands de fer, ils en profitent pour glisser dans le bail des conditions qui leur sont avantageuses et qui leur permettent de se réserver la production des cloutiers.

 

            Le 11 août 1776, Jean BARUTEAUD, marchand de fer au bourg de CHARRAS, afferme une forge à cloutier à Léonard CHARLES, cloutier au Clédou, paroisse de ROUGNAC. Dans le bail, il est « convenu que ledit CHARLES sera tenu de laisser les clous qu’il fera pendant le cours de la présente ferme, audit sieur BARUTEAUD, préférablement à tous autres marchands, en par le sieur BARUTEAUD payant lesdits clous audit CHARLES au fur et à mesure qu’il les livrera, au prix courant et comme les autres cloutiers les vendront » (2E 2505).

 

         Le 25 novembre 1729, Simon TEXIER, marchand de fer au bourg de CHARRAS, afferme à Pierre COMBAUD, cloutier chez Jean DEREIX, paroisse de ROUGNAC, une forge à clouterie. « Bien entendu que ledit COMBAUD travaillera de sa profession pour ledit TEXIER préférablement à tous autres, en par ledit TEXIER lui payant ses façons ainsi qu’il sera entre eux convenu » (2E 2710).

 

Les marchands de fer agissaient de la même façon avec les maréchaux à qui ils affermaient les mêmes forges. Ils se réservaient aussi, par d’autres moyens, la production de certains cloutiers. En affermant une borderie au lieu d’une forge par exemple. Ainsi, Denis PAUTIER, du bourg de CHARRAS, afferme, le 7 août 1729, à Jean CHEVALERIAS, sa borderie de La Ferrière, paroisse de MAINZAC« attendu que ledit CHEVALERIAS est maréchal et cloutier de sa profession et qu’il est convenu qu’il ne pourra travailler ni faire aucune sorte d’ouvrage pour d’autres marchands que pour ledit bailleur, sans quoi ces présentes n’auraient été faites » (2E 2710).

 

L’apprentissage

 

           Le cloutier a souvent avec lui un apprenti qu’il s’est engagé, par contrat passé devant notaire, à garder pendant deux années. Quelques contrats ne prévoient qu’un an d’apprentissage. D’autres, un peu plus longtemps. Ainsi Jean LACATON, cloutier, demeurant à la basse rue du bourg de CHARRAS « s’oblige, le 4 décembre 1768, d’apprendre son métier de cloutier à Joseph de MONPION, fils de Joseph de MONPION, journalier et Marguerite COUTILLAS, demeurant aux Vergerons, paroisse de CHARRAS, de le nourrir et héberger pendant l’espace de 3 années consécutives qui commenceront à courir de ce jour pendant lequel espace de temps, ledit de MONPION sera tenu de rester avec ledit LACATON sans qu’icelui dit de MONPION fils puisse s’absenter, débaucher, ni divertir en aucune manière quelconque les jours ouvriers sans l’exprès consentement dudit LACATON, et au cas que ledit MONPION fils vient à quitter et sortir d’avec ledit LACATON, avant l’expiration desdites 3 années, par sa faute ou de celle de ses père et mère, contre la volonté dudit LACATON, ou par quelques fautes ou libertinage dudit MONPION fils, lesdits MONPION père et fils et ladite COUTILLAS seront tenus de payer audit LACATON, aussitôt la sortie dudit MONPION fils d’avec ledit LACATON, avant les 3 années expirées, la somme de 60 livres par forme de dédommagement et paiement de nourriture » (2E 2204).

 

Certains contrats sont établis avant l’entrée en apprentissage, d’autres le jour même du commencement de l’apprentissage, d’autres enfin alors que l’apprentissage est commencé depuis quelques jours, quelques semaines, quelques mois. Le premier jour d’apprentissage est parfois un jour remarquable. Noël, Saint-Michel, 1er janvier, carnaval… Mais pour d’autres contrats, c’est un jour parmi les autres.

           

Léonard BOUHIER, cloutier à La Plagne, paroisse de CHARRAS, promet « d’enseigner et montrer son métier de cloutrier à Léonard BRUNET, frère d’Etienne BRUNET, journalier demeurant au bourg de CHARRAS, de le nourrir et esberger suivant que se nourrira ledit BOUHIER et sa famille et ce pendant l’espace de 2 ans et 1 mois qui commenceront à courir le lendemain de la Saint Michel prochaine, 30 du présent mois et finiront le 30 novembre 1762 au bout duquel temps ledit BOUHIER sera tenu, outre la nourriture et esbergement, de donner audit Léonard BRUNET une veste et une paire de culottes de sarge, couleur de marron, avec un chapeau tout neuf. A la charge pour ledit Léonard BRUNET de se tenir assidu dans la boutique dudit BOUHIER, sans se pouvoir débaucher ni divertir de manière quelconque les jours ouvriers et aussi à la charge qu’il travaillera de son mieux avec toute la soumission que doit un aprentif à son maître… » (2E 2202- LHOMME LALANDE, notaire à CHARRAS - 28 septembre 1760)

           

L’âge des apprentis n’est pas souvent indiqué. Jean CHABASSE, de Chez Métayer, paroisse de COMBIERS, placé en apprentissage chez Jean LASSORT, cloutier du bourg de CHARRAS, a 14 ans (2E 4482). Jean TABOURIN, fils du boucher de CHARRAS, placé chez son voisin Etienne MONTAUD, a 16 ans (2E 11360). D’autres apprentis sont majeurs.

 

            En général, le maître cloutier reçoit l’apprenti dans sa maison et promet de le nourrir et héberger, « suivant qu’il se nourrira, lui et sa famille ». Un autre notaire emploie la formule suivante : « le maître sera tenu de fournir à l’apprenti son boire, manger, feu, gîte et lumière pendant le temps de l’apprentissage », chaque notaire ayant sa façon de s’exprimer dans la rédaction des contrats.

 

Quelquefois cependant, quand les parents de l’apprenti étaient voisins du cloutier, l’apprenti allait manger et coucher chez ses parents. Quelquefois aussi le maître ne nourrissait pas son apprenti comme Simon TEXIER, cloutier demeurant au bourg de CHARRAS, qui le 30 janvier 1774 « s’oblige d’enseigner son métier de cloutier à Léonard JACQUES, fils de Léonard JACQUES et de Anne MICHAUD, remariée avec François GOUGUET, marchand, demeurant à La Brousse, paroisse de SERS, de l’éberger, coucher, chauffer et tremper sa soupe seulement pendant l’espace d’un an, qui a commencé à courir du 3 du présent mois, jour que ledit JACQUES est entré chez ledit TEXIER, pendant lequel temps ledit JACQUES sera tenu de rester avec ledit TEXIER sans pouvoir s’absenter, débaucher ni divertir… les jours ouvriers…

 

…Pour raison duquel apprentissage, lesdits GOUGUET, MICHAUD sa femme et JACQUES seront tenus de payer audit TEXIER la somme de 40 livres (il en est payé 20 livres à l’instant), les 20 livres qui restent seront payées le 3 janvier de l’année prochaine.

 

GOUGUET et sa femme seront aussi tenus de fournir audit JACQUES la nourriture à lui nécessaire pendant le cours de ladite année en pain, vin et autre chose de façon que ledit TEXIER ne sera tenu que de lui tremper la soupe, le coucher et le chauffer seulement, au moyen de quoi l’ouvrage que fera ledit JACQUES lui appartiendra et les façons lui en seront payées par ledit TEXIER ou tenues à compte sur la nourriture que ledit TEXIER avancera audit JACQUES » (2E 2205).

 

Il n’y avait pas de règle précise en ce qui concerne le prix de l’apprentissage qui était quelquefois gratuit, le maître s’engageant même à donner à l’apprenti « un tablier de cuir ordinaire aux cloutriers ». Mais beaucoup plus souvent, l’apprenti, ses parents ou son tuteur, devaient verser au maître cloutier une somme qui variait suivant les contrats et qui allait presque toujours de 30 à 60 livres. Le 28 septembre 1766, le même Simon TEXIER a promis « d’enseigner et de montrer de son mieux… son métier de cloutier » à Jean BENISTAUD que lui présentent Pierre JULLIEN, laboureur et Antoinette MARTIN, sa femme, veuve en 1ères noces de Jean BENISTAUD de la paroisse de VOUZAN,… « de le nourrir et esberger de la même manière que sera nourri ledit TEXIER et sa famille et ce pendant le cours et espace de deux ans qui commenceront à courir du jour de Saint-Michel, 29 du présent mois, et finiront à pareil et semblable jour… pour et moyennant la somme de 45 livres pour droit d’apprentissage, nourriture et ébergement dudit Jean BENISTAUD pendant tout le temps desdits deux ans qu’il sera tenu de rester avec ledit TEXIER ainsi qu’il s’y oblige lui, sa mère et son vitric(5), de laquelle dite somme de 45 livres il en a été tout présentement payé par lesdits JULLIEN et MARTIN audit TEXIER, celle de 22 livres 10 sols, en monnaie, le surplus qui est pareille somme, JULLIEN promet de le payer d’aujourd’hui en 1 an. Sera tenu ledit BENISTAUD de se tenir assidu et de travailler de son mieux et avec toute la soumission que doit un aprentif à son maître, sans s’absenter, débaucher ni divertir en aucune manière quelconque les jours ouvrier sans l’exprès consentement dudit TEXIER, … et de servir de souffleur pendant environ 3 mois lorsque ledit TEXIER le jugera à point… » (2E 2203).

 

            Quelques contrats envisagent l’éventualité du décès de l’apprenti ou de son maître. Si l’apprenti vient à mourir dans les six premiers mois de l’apprentissage, le maître devra se contenter de la moitié du prix total de l’apprentissage (2E 2203). Si le maître vient à mourir avant l’expiration du temps d’apprentissage, il n’appartiendra à ses héritiers qu’une partie du prix de l’apprentissage proportionnelle au temps que l’apprenti aura passé chez son maître. « Convenu que au cas que ledit JACQUES ou ledit TEXIER vinssent à décéder l’un ou l’autre avant l’expiration de ladite année, il n’appartiendra audit TEXIER ou à ses héritiers de ladite somme de 40 livres que à proportion du temps que ledit JACQUES aura resté dans la maison dudit TEXIER qui est à raison de 3 livres 6 sols 8 deniers par mois… » (2E 2205).

 

D’autres contrats envisagent d’autres éventualités : « Convenu aussi que si ledit Pierre CHABASSE vient à être malade dans le cours desdites deux années, sera tenu de remettre autant de temps audit LACATON qu’il en aura perdu en maladie » (2E 2203). L’apprenti n’avait donc aucun intérêt à faire traîner sa maladie puisque cela allongeait d’autant la durée de son apprentissage.

 

        La durée du contrat devait être respectée. Quand « par sa faute ou celle de ses père et mère, contre la volonté du maître, ou par quelques fautes ou libertinages » il s’en allait avant la fin de l’apprentissage, l’apprenti devait verser à son maître des dommages-intérêts. « Mais dans le cas que ledit JACQUES vienne à sortir de la maison dudit TEXIER par sa faute avant l’expiration de ladite année, et dans quel temps que ce soit, ladite somme de 40 livres appartiendra et sera payée en entier audit TEXIER par lesdits GOUGUET, MICHAUD et JACQUES » (2E 2205).

 

Mais le maître devait aussi en payer quand il renvoyait son apprenti « sans un juste sujet ». Le montant des dommages-intérêts allait aussi, souvent, de 30 à 60 livres. Quelquefois, si l’apprenti vient à s’absenter ou à fuir, ses parents promettent « de le chercher et faire chercher et le ramener s’ils peuvent le trouver » pour finir son temps d’apprentissage. D’autrefois, c’est l’apprenti qui veut rester malgré la défaillance de paiement de ses parents. « Le 19 mars 1682, Jean VALLADE, maître cloutier demeurant au village de La Davidie paroisse de GARDES, reconnait que depuis 6 mois, Jeanne CHARLES (mère de Jean NADAUD, garçon cloutrier natif du village de La Plaigne, paroisse de CHARRAS et demeurant depuis 6 mois à La Davidie) avait fait marché avec lui pour enseigner son métier de cloutier audit NADAUD. Pour lequel apprentissage ladite CHARLES aurait promis audit VALLADE, pour enseigner ledit métier pendant 1 an, la somme de 13 livres – et passé contrat dudit apprentissage.

 

Depuis quoi, icelle CHARLES n’a voulu satisfaire à sa promesse et ledit NADAUD désirant d’entretenir ledit marché afin d’apprendre ledit métier pour gagner sa vie a reconnu que de ladite année, il y en a six mois de passés pendant lequel temps ledit VALLADE l’a nourri et enseigné son travail du mieux de son possible et ainsi ne reste que six mois pour faire l’année entière, pendant lequel temps il continuera sa demeure avec ledit VALLADE qui a promis de continuer son dessein de lui enseigner son métier pendant six mois. En conséquence de ce et ledit temps fini, ledit NADAUD promet de payer audit VALLADE la somme de 13 livres pour raison dudit apprentissage » (2E 5842).

 

 Cloutiers et marchands de fer

 

                        Les cloutiers ne sont pas des commerçants, ils travaillent pour des marchands cloutiers à qui ils vendent leur production. Bien souvent, ce sont les mêmes qui les ont fournis en matière première. Certains marchands de fer, comme Raymond PAUTIER du bourg de CHARRAS, ont affermé « les droits dhus sur les ferts, fontes, assier et quinquaille » et ont ainsi «  la liberté de faire venir pour leur commerce des fontes, fers, assiers et quinquaille et cloutrerie qu’ils prennent ordinairement en Périgord où il n’est point dhu de droits et qui en doivent en entrant en Angoumois ». Quand leur ferme se termine, et que par exemple « n’ayant pu débiter, ni faire réduire leur fonte en fert attendu la rareté des eaux, afin d’éviter toutes contestations qu’on pourrait leur faire » ils ont intérêt à faire constater par notaire la quantité de fer qui leur reste et pour laquelle les droits sont considérés comme acquittés. Lors de ces procès-verbaux, les marchands de fer n’oublient pas de déclarer, outre le fer qu’ils ont à leur domicile, celui qu’ils ont donné à « ouvrer » à leurs maréchaux et à leurs cloutiers. Raymond PAUTIER déclare donc, le 24 septembre 1738, qu’il a chez ses cloutiers qui demeurent en différents endroits, le nombre de 1500 livres de fer pour lui mettre en œuvre (2E 4794). Il déclare, en plus, avoir chez ses maréchaux, qui sont aussi cloutiers, 300 livres de fer chez le nommé LA RONDE à Charbontière, paroisse de SERS, 375 livres chez Nicolas PEYRAUD à Grosbot, paroisse de CHARRAS, 450 livres chez Jean CHEVALERIAS à La Ferrière, paroisse de MAINZAC, et enfin, au bourg de CHARRAS, 400 livres chez LAPEYRE et 500 livres chez REDON.

 

            Denis PAUTIER, le père du précédent, aussi marchand de fer à CHARRAS, déclare, le 13 janvier 1727, avoir 1500 livres de fer entre les mains de ses cloutiers, pour convertir en clouterie (2E 2971). Jean VALLADE, marchand de fer à Rozet, paroisse de COMBIERS, déclare le 30 septembre 1738 « avoir cinq cents livres de fert chez ses cloutriers pour lui mettre en cloux » (2E 4794). Mathieu BAYNAUD, marchand de fer à CHARRAS, déclare, le 29 août 1725, avoir tant dans sa maison que chez ses maréchaux et cloutriers, dix charges de fer (2E 2971).

 

            Il est curieux de voir où ces marchands entreposent leur marchandise. Dans la cuisine de Jean VALLADE, le notaire fait peser 435 livres de fer en barre qui se trouvent là, et dans la chambre, à côté, plusieurs pièces de fer en barres, clous et autres petits morceaux de fer, le tout faisant huit charges de fer, faisant 2000 livres. Et dans cette même pièce, il y a une charge de clous qui fait 250 livres (2E 4794). Denis PAUTIER a sa cloutrerie dans une petite chambre haute, proche de la chambre qu’il occupe et où il faut que le notaire fasse apporter « une chandelle vu qu’il n’y a pas assez de jour dans la chambre pour distinguer ce qui y est » (2E 2791 – 13 janvier 1727). Là, se trouvent plusieurs barriques et palissons pleins de cloutrerie de toutes espèces, « laquelle cloutrerie ayant faite tirer, vu et visitée, il s’en est trouvé le nombre de trois mille livres ». Chez Raymond PAUTIER, le notaire trouve « dans une chambre basse, à côté de la cuisine, qui a vue sur la rue, deux milliers de fert en barre et mille trois cent livres de cloux de bande »… et « dans une autre chambre qui a aussi un peu de clarté sur la rue, il s’est trouvé quinze milliers sept cent cinquante livres de fert en barre de plusieurs espèces ; plus des cloux de bande qui sont dans une barrique dans un coin de ladite chambre, lesquels ayant fait peser avec autres cloux de bande qui se sont trouvés dans deux paniers, ils se sont trouvés peser neuf cents livres ; plus en cloutrerie de toutes espèces qui se sont trouvées dans des paniers, palissons et deux petits quarts, lesquels avons fait vider et peser, il s’y est trouvé peser mille sept cent cinquante livres » (2E 4794 – 24 septembre 1738).

 

            Ces marchands de fer vendaient une partie de leurs marchandises sur place, mais ils en expédiaient aussi dans toute la région. François BAYNAUD, dont le petit-fils Louis dirigea la fonderie de RUELLE, mourut à CHARRAS en 1725. Dans l’inventaire de sa succession, le 13 janvier 1727, on relève sur son « livre de fer » qu’il avait fait conduire à SAINTES, chez madame DUCHAINE, aubergiste, « deux bissacs de cloux, y ayant un millier, douze milliers grands badaux, douze milliers escarre… » (2E 2971).

 

            En 1766, Simon TEXIER, marchand, meurt à CHARRAS. Ses enfants se partagent l’héritage, le 27 juin 1766. Les marchandises sont à CHARRAS, mais surtout à BARBEZIEUX, où se trouve « le livre journal » de leur père (2E 2203).

 

        Parfois, certains marchands de fer du Pays d’Horte allaient s’établir ailleurs, où ils continuaient leur commerce. C’est le cas de Pierre DELÂGE qu’on trouve marchand de fer à COGNAC, en 1844. Il s’était marié à ROUGNAC en 1830. Son père Pierre DELÂGE s’y était aussi marié le 6 frimaire an II. Il était aussi marchand de fer, mais n’avait point quitté ROUGNAC. Le grand-père, Jean DELÂGE, marié en 1746 à ROUGNAC, et l’arrière-grand-père Philippe DELÂGE marié en 1712 à ROUGNAC étaient de simples cloutiers.

 

            Les voituriers de ces marchands de fer s’en allaient donc un peu dans toutes les directions pour écouler la marchandise : BARBEZIEUX, SAINTES, JONZAC, la Gironde… Ils durent encourager plusieurs cloutiers du Pays d’Horte à aller s’établir au loin, tout au long des routes qu’ils suivaient. En passant, ils pouvaient les approvisionner en fer et peut-être aussi en charbon.

 

Les cloutiers de CHARRAS aux XVIIIème et XIXème siècles

 

Si nous partons à la recherche des cloutiers de CHARRAS, selon les sources utilisées, nous n’obtiendrons pas les mêmes renseignements. Par exemple, pour le XVIIIème siècle, la lecture des registres paroissiaux et des registres d’Etat-civil nous permet de dénombrer plus d’une centaine d’ouvriers qui travaillent les clous :

 

     -        à CHARRAS (sans plus de précision de lieu) : BOUHIER Léonard - BOUYER Léonard - CHARLES Léonard - DELÂGE Etienne - HELELIE Etienne - HELELIE Jean - LAMONGIE Jean - MOUTAUD Léonard - PAUTIER Antoine - RONDET François - SABIN Pierre - TABOURIN Georges - TABOURIN Jean - TEXIER Pierre - TEXIER Léonard. 

      

 -             au Bourg : BAUDOU Pierre -  BEAUFORT Simon - BEAUFORT Marc - BEAUFORT Antoine - BEAUFORT Cybard - BORDAS Jean – BOUHIER Simon - CHARLES Léonard - CHAUMETTE Jean - CHOLET Pierre - FORGERON Léonard - FOUGERAT Pierre - FOURNIER Vincent - GIRAUD Jean - GOUYOU Jean - GOUYOU Arnaud - GOUYOU Etienne - GOUYOU Pierre - GOUYOU Arnaud - GUYONNET Jean - HELELIE Pierre - HELELIE Simon – LACATON Jean – LACATON Simon -LACOMBE Jean - LAPLANCHE Jean - LAPLANCHE Jean - LASSORT Jacques - LASSORT Pierre - LASSORT Pierre - LEGIER Etienne - LEGIER Jean dit Le Roi – LEGIER Pierre dit Le Roi  - MARCHOU Pierre - MENUT Pierre - MOUTAUD Jean - MOUTAUD Etienne - NEUILLET Jean - ROBIN Pierre – ROBIN Simon – RONDET Raymond -TABOURIN Jean dit JARI - TABOURIN Pierre - TABOURIN  - TEXIER Léonard - TEXIER Simon - TEXIER Raymond - TEXIER Pierre – VALLADE Pierre

 

 

     -       à Grosbot : BEAUFORT François -  BROUILLET Jean - CHABASSE Jean - COUTURIER Léonard - COUTURIER Jean - COUTURIER Jean - FORESTIER Denis - HELELIE Michel - LAPLANCHE Etienne - NOYER Etienne - NOYER François – PAYRAUD Jacques - POMPEIGNAC Jean - ROBIN Michel - ROBIN Pierre - RONDET Pierre – TEXIER Jacques - VERGERON Arnauld

 

    -       aux Vergerons : JACQUES Léonard - LAPLANCHE Jean - LEGER Jacques - LEGER Etienne - MICHAUD Pierre – NADAUD Pierre - NOYER Jean – RONDET François

 

    --     à La Plagne : BOUHIER Léonard - BOUHIER Léonard - BOUHIER Léonard - BOUHIER Clément - BOUYER Léonard - BOUYER Raymond – BOUYER François - CHARLES Pierre - CHARLES Simon - GAYON Clément - LACATON Léonard - LACATON Denis - LACATON Jean - PAPON Jean - ROY Jean

 

     -       Chez Pichoux : BOUHIER Léonard - BOUHIER Jean - SIMONNET Martial

 

     -       à Vignérias : LAGARDE Léonard - LAGARDE Pierre – SAUMON Michel

 

     -       et à Séguignac : BRUNET Léonard.

 

D’autre part, un dépouillement des minutes du notaire LHOMME-DELALANDE entre 1757 et 1763 donne une liste de 18 cloutiers dont certains ne figurent pas dans les registres précités (leur nom est souligné). Il convient certainement de les ajouter aux précédents :

 

-  au Bourg : MOUTAUD Jacques – VENAT Pierre – GAYON Jean –HELELIE Michel –TEXIER Pierre - SAUMON Jean – AUDIGIER George –TABOURIN Denis –

 

  -       à Grosbot : SANILLON François – DUBREUIL François –MARANDAT Philippe –

 

  -       à La Plagne : LACATON Jean – BOUYER Jean – BRUNET Léonard – CHARLES Pierre – LACATON Denis

 

  -       à Vignérias : DELAGARDE Léonard

 

  -       aux Vergerons : LEGIER Pierre.

 

Au XIXème siècle, à défaut d’avoir exploité l’ensemble des registres d’Etat-civil, nos principales sources de renseignements ont été les recensements. Mais cela ne donnera qu’une image incomplète, le premier de ceux-ci n’ayant eu lieu qu’en 1836…

 

  -       à CHARRAS (sans précision de lieu) : CHABASSE Jacques – CHABASSE Jacques – LACATON Raymond – LAPLANCHE François – NADAUD Armand – TABOURIN Jean

 

  -       au Bourg : DESNOYER François – HERIAUD Barthélemy – HERIAUD Marcel – LACATON Jean – ROBIN Jean – ROBIN Jean-Simon – TEXIER Raymond – TEXIER Simon

 

  -       à Grosbot : CHABASSE Jean - TABOURIN Léonard

 

  -       aux Vergerons : BOUYER Simon – DESNOYER Etienne – DESNOYER Maurice – DESNOYER Jean – DESNOYER Etienne – FENOUILLAT Etienne – FENOUILLAT Jacques (dernier cloutier de CHARRAS encore en exercice au recensement de 1901, décédé en 1907) – VIDAUD Jean

 

  -       à La Plagne : BOUYER Raymond

 

  -       Chez Pichoux : ROBIN Pierre

 

  -       Chez Courbet : ROBIN Jean

 

Nous notons que les cloutiers sont beaucoup moins nombreux au XIXème siècle. D’une douzaine aux recensements de 1836 et 1841, on peut les compter sur les doigts d’une seule main une génération plus tard. Par contre, c’est une période où beaucoup d’ouvriers, fils ou petits fils de cloutiers, travaillent le métal au travers d’autres métiers : maréchaux-ferrants, forgerons, charrons, taillandiers, serruriers, cercliers. Nous y trouvons aussi plusieurs charbonniers sans compter les marchands de fer déjà évoqués.

 

Enfin, il faut retenir que l’activité de cloutier, pour un certain nombre d’entre eux, ne représente qu’une activité saisonnière, complémentaire bien souvent du travail de la terre et qui se pratique lorsque celle-ci est au repos. Ainsi ils sont inscrits ordinairement dans les registres en tant que journaliers, métayers ou laboureurs. C’est aussi pour certains une deuxième activité reconnue, comme pour Pierre LASSORT marchand de fer et cloutier, voire une troisième, ainsi pour Jean COUTURIER métayer, cabaretier et cloutier…

 

D’aucuns en arrivent à former une véritable dynastie dont les membres vont exercer cette activité une bonne partie du siècle… Avec les alliances entre familles de cloutiers, de voituriers, de marchands de fer, de charrons, de maréchaux-ferrants, et même de cercliers… nous obtenons une vaste nébuleuse autour du travail du fer.

 

Pourquoi tous ces cloutiers ?

 

Depuis les temps reculés, la région a été riche en minerai de fer, densément peuplée de forêts permettant la fabrication de charbon de bois et arrosée de petits cours d’eau. Ces trois éléments ont favorisé très tôt l’installation d’une industrie sidérurgique autour de fonderies et forges pour la production de métal, industrie qui a entraîné avec elle une multitude d’activités combinées avec l’agriculture dont celle de cloutier.

                                  

Le village de CHARRAS possède une tradition de commerce, d’échanges, ancienne, ancrée autour des foires et marchés développés depuis mars 1519 par les lettres patentes obtenues de François 1er. Les marchands qui y sont organisés, les voituriers actifs, facilitent l’écoulement de la production des cloutiers, ce que nous avons vu un peu avant. 

 

Que sont devenus les descendants de ces cloutiers ? Certains sont restés au pays. On les retrouve, au début du XXème siècle, cultivateurs, cerclaires, charbonniers, marchands de bois, maréchaux-ferrants, charrons…

 

D’autres ont quitté le pays, à l’image des frères ROBIN de CHARRAS, partis à PARIS où l’un est militaire et l’autre tapissier, vers la fin du siècle dernier, et qui sont pourtant les descendants d’au moins six générations de cloutiers établies tantôt à ROUGNAC, tantôt à CHARRAS.

 

 Sources :

     -              pour la majeure partie du dossier : article « Les cloutiers du Pays d’Horte » de Gabriel DELÂGE. Bulletins et mémoires de la SAHC – 1984

    -       registres paroissiaux et d’Etat-civil de CHARRAS

    -       revue Charras d’Hier et d’Aujourd’hui n° 17 – décembre 1996

    -       www.france-pittoresque.com

    -       www.lesguillermin.geneatis.fr

    -       www.alembert.fr

 

Témoignage :

 

             A la suite de la publication de son article fin septembre 1983, Gabriel DELAGE a reçu une lettre de Monsieur René GOUGUET, grand invalide de guerre de 1914-1918, originaire de ROUGNAC, âgé de 96 ans à cette époque. Il lui disait qu’il avait, dans son enfance, vu travailler les cloutiers de ROUGNAC. Il décrivait ainsi l’atelier (on disait « la boutique ») du cloutier Léonard DELAGE, surnommé Lagillou. « Je le vois encore, bien que 90 ans se soient écoulés, cet atelier de dimensions exiguës, à la lumière avare, comportant une forge, un soufflet de forge, une roue de 2 mètres de diamètre environ, dont la circonférence est planchéiée. Un système l’adapte au soufflet. Un chien, de taille moyenne, marche à l’intérieur et met cette roue en mouvement. Des mots brefs du maître l’arrêtent ou le remettent en marche. Ensuite, un genre d’établi sur lequel est fixée une enclume d’une forme spéciale, dans laquelle est pratiqué un trou où on introduira, le moment venu, la pointe du clou, façonnée par le marteau. A côté de l’établi, un système mécanique fonctionnant par pédale. Ce système actionne une matrice en fer qui forme la tête du clou.

 

         Lagillou, debout derrière cet établi, tient de la main gauche une tige de fer carrée, d’un centimètre environ d’épaisseur. Il introduit cette baguette dans le foyer. Quand l’extrémité est convenablement rouge, il la retire et façonne, avec son marteau, la pointe de ce clou à la longueur voulue. Il coupe ensuite, pendant que le fer est encore rouge à point, un centimètre de cette tige. Il introduit très vite la pointe dans le trou précédemment cité et abat d’un coup de pédale la lourde matrice qui formera la tête du clou. Ce travail demande, si je me souviens bien, deux ou trois minutes.

 

           Et depuis l’aube jusqu’au soir, sept ou huit heures, le cloutier, sans relâche que celle du déjeuner, fabrique clou par clou. Lagillou, si je crois me rappeler, allait livrer sa fabrication chez un commerçant de MAREUIL sur BELLE. Quand il cessa de travailler, atteint par un âge avancé, il ne fut pas remplacé. Ses deux frères, de même que Lagillou de Chez Tillet, n’eurent pas aussi de remplaçants. Voilà ce qui reste en ma mémoire du souvenir de mes amis les cloutiers de ROUGNAC.

 

      Il faut aussi que je mentionne l’existence d’un autre cloutier, arrière-grand-père de mes neveux, les LHOMME. Son atelier était installé à Cloulas, sur le bord de la route qui va rejoindre la route nationale à La Marronnière. Mes neveux m’ont raconté qu’il allait porter ses clous à ANGOULÊME, en sabots, un trognon de pain et un oignon dans sa besace, et la marchandise dans un bissac. Il arpentait ainsi les 20 kilomètres qui séparent Cloulas d’ANGOULÊME. »

 

        Dans une autre lettre du mois de novembre 1983, il complète : « J’ai très bien connu les trois frères DELAGE, surtout Léonard dit Lagillou, et sa femme Théoline qui était comme une mère pour nous. Autre Léonard dit Eugène était sacristain. Il aimait beaucoup les enfants. Il nous amusait par ses gestes comiques. C’était un homme bon. Je connaissais à peine leur frère Jean qui habitait le village des Texiers. Quant au quatrième DELAGE, cloutier aussi, j’ai toujours pensé qu’il était leur cousin. Il habitait Chez Tillet. C’était un homme très intelligent, aux idées avancées, poète à ses heures. Il faut lire, sur sa tombe, une déclaration dans un style fantaisiste, sur la paix entre tous les hommes. »

 



 

 



[1] Artisan fabriquant des éperons, mors, étriers et autres objets de cavalerie.

[2]  Donner ou prendre à bail un bien rural moyennant le versement d’un fermage.

[3] (2E 4796) indique une liasse de minutes notariales qui peut être consultée aux Archives départementales de la Charente.

[4] Les notaires écrivent souvent « un enclume », au masculin, car dans la région, en patois, en langue d’oc, le mot est masculin tout comme d’autres noms qui ont aussi, en patois, un genre différent du même mot français…

[5] Beau-père. Second mari d’une femme considéré relativement aux enfants du 1er époux