Charras 16 - Citerne Chez Denis
Charras 16 - Citerne Chez Denis

    D'aucuns se sont posés la question de l'origine de notre village. Sur son territoire, nous ne trouvons pas de grotte du Placard, d'abri sous roche ou de frise préhistorique qui pourraient témoigner d'un lointain passé. Les historiens ont juste bien voulu émettre l'hypothèse que "l'oppidum représenté par le site actuel de notre bourg servait, pendant la domination romaine, de refuge aux Cambolectri (habitants des vallées d'alentours)" [1], des traces tangibles d'une occupation gallo-romaine (poteries) ayant par ailleurs été découvertes dans un gros amas de laitier détruit pour paver la route menant de CHARRAS à COMBIERS [2] à la fin du XIXème siècle.  Plus avant, une occupation certaine qui remonte à 4 à 5 000 ans avant J.C. nous est suggérée par le dolmen signalé en 1897 par l'abbé BROUSSE à proximité du Grand Nadaud [3] ou par les deux petits menhirs et les pierres d'alignement que l'on trouve sur le versant du coteau, sous la ligne haute-tension. 

 

    Pourquoi alors se fixer à ce plateau et au versant qui s'y accroche, face au nord ? Soyons certains que s'il n'y avait pas eu présence d'eau, il n'y aurait pas eu présence humaine.

 

CHARRAS, ville d'eau…

 

 

                 Un titre volontiers provocateur pour introduire le thème de cet article : l'eau.

  

            Un paradoxe : notre village, ville d'eau ? Ces maisons regroupées sur un plateau, ces hameaux longtemps reliés au Bourg par des chemins à peine carrossables, disséminés dans les vallons, sans aucun cours d'eau pour en arroser les prairies, pas de rivière, à peine quelques ruisseaux au cours saisonnier ou dont les eaux se perdent dans un fond de vallée… Rien de bien visible comme eau !

 

           Et pourtant, de l'eau, il doit y en avoir. Il faut la chercher. C'est une des conditions essentielles à l'installation des hommes sur un site. Il suffit d'orienter le regard vers l'exemple de Grosbot et de son abbaye, à l'origine, de "font vive". Donnez un territoire vierge à défricher et un point d'eau, les moines s'y installent. A l'image des hommes, de tout temps.

 

            Depuis quelques années déjà, persuadés donc que CHARRAS n'était pas un désert, nous nous sommes mis à la recherche de tout ce qui pouvait avoir rapport à l'eau sur le territoire de notre commune. Cela nous a permis de découvrir tout un pan de notre petit patrimoine lié à l'eau : il s'agit des puits, citernes, mares et lavoirs…

 

            Ils sont décelables à travers le nom de certains de nos lieux-dits, ils ont été reportés en 1833 sur notre cadastre napoléonien, certains sont encore visibles aujourd'hui dans notre paysage. Si nous n'avons pas inventorié les bouches et les nouvelles réserves à incendie ni les piscines, nous vous invitons néanmoins à  suivre la piste de tous les autres…

 

A) UN PEU DE TOPONYMIE :

 

              De nombreux noms de lieux évoquent l'eau.

 

section A

-          pré de la fontaine (sources de l'abbaye)

-          chemin de gros-bot à font rouge (limite nord de la commune)

-          fontaine de Denis (sud-ouest des Vergerons)

-          canton de font Pouzat (limite ROUGNAC/COMBIERS)

 

section B

-          pré de la fontaine et du laitier (aux écoles)

-          terres et prés de dessous la fontaine (début de la route de FEUILLADE)

-          les petits bois et terres de la fontaine (La Plagne)

-          bois du lac des cuves (vers FEUILLADE)

 

section C

-          les mouillères (à l'ouest de Vignérias)

-          terres de la chènevière (à l'est de Besoche)

-          bois des grands lacs (entre Mongeillars et Besoche)

-          bois de Mongeillars et des grands lacs (entre Mongeillars et Besoche)

 

section D

-          vigne de la fontaine (au sud de la Plagne)

-          vignes et bois du grand lac (entre la Cave et Besoche)

-          terres du lac (au sud de chez Tourneau)

-          le lac rouge (au sud de Jumillac)

-          font vieille (à l'ouest de Labrousse)

 

B) MARES ET FONTAINES EN 1833 (cadastre napoléonien)

 

Le Bourg

La fontaine du bas du bourg figure bien en tant que fontaine, bien qu’aujourd’hui elle nous apparaisse plus comme un abreuvoir.

Dans le parc du château, entre les deux bâtiments perpendiculaires au chevet de l’église est dessinée une mare.

 

Les Vergerons

Deux mares se trouvent sur le côté gauche du chemin qui va du Bourg à la forêt en passant par les Vergerons, l’une avant le village, l’autre après.

 

Le Boucheron

Le Boucheron comptait beaucoup plus de maisons (7) qu’il n’en possède aujourd’hui. En arrivant au village, on trouvait une mare au pied du premier bâtiment à droite puis une deuxième, juste un peu après le second bâtiment.

 

Chez Friquant

Face aux bâtiments se trouvait un carrefour avec un chemin menant à ROUGNAC (devenu la route actuelle), et un autre conduisant dans la forêt. Au creux de ce carrefour était une mare.

 

Le Moulin à Vent

Juste avant la borderie du Moulin à Vent (que l’on pense établie sur les ruines du moulin qui a donné son nom aux lieux), il y avait une petite mare, sur le côté droit de la route, en direction de COMBIERS.

 

La Plagne

Qui ne connait la fontaine et le lavoir de la Plagne dans le vallon, à 500 m du village, sur le chemin qui mène à la forêt ?

 

Séguignac

Une mare y est encore visible, avec son plan incliné pour permettre aux bêtes d’aller se désaltérer. Elle est situé au sud-ouest du hameau et si l’on poursuit « l’ancien chemin de Séguignac à la Rochebeaucourt » dans la même direction, le cadastre nous indique la présence d’une fontaine qui se situait au sud de la « vigne de la fontaine »

 

Mongeillars

Une mare était dessinée à quelques dizaines de mètres au sud-ouest des maisons, sur un chemin aujourd’hui disparu.

 

Vignérias

On trouvait une mare à droite, à l’entrée de la route qui conduit aux maisons puis une seconde au-delà du hameau, sur le côté gauche d’un chemin  qui menait à Besoche.

 

Pétignoux et Chez Carroux

se partageaient l’usage de deux mares situées à droite et à gauche d’un chemin menant vers Faurias.     

 

Besoche

C’est à droite, à l’intersection de deux chemins, en arrivant au village de Besoche qu’il y avait une mare.

 

Au Ménisson

c’est un petit trou d’eau qui est figuré sur le cadastre, au milieu des différents bâtiments qui forment le village.

 

Chez Penot

Une mare est située à droite du chemin, avec là aussi, encore aujourd’hui, un plan incliné permettant l’accès aux bêtes. Un trou d’eau lui fait vis-à-vis de l’autre côté du chemin.

 

La Brousse

Deux groupes de bâtiments composaient le village de La Brousse, entre lesquels était creusée une petite mare.

 

Jumillac

Là encore, le hameau possèdait sa mare qui existe toujours et se situe sur le côté gauche de la route, un peu avant les bâtiments.

 

La Cave

Ici, le village est desservi de façon moins pratique. S’il existe une mare, au sud-est, sur un chemin en direction de Beaussac, celle-ci est assez loin des maisons. De même, au nord-ouest, à quelque distance également, on repère « le Grand Lac » puis « les Lacs », étendues d’eau de moindre importance néanmoins que désigne aujourd’hui le terme « lac ».

 

L'Abbaye

Comme évoqué en introduction, les moines étaient de véritables spécialistes en matière d’hydrologie. Il suffit de se reporter à la page dédiée à l’abbaye pour s’en persuader…

 

C) L'EAU DANS LE PAYSAGE D'AUJOURD'HUI :

 

Les puits et citernes

             Ce sont les éléments les plus apparents. D'une part, parce qu'ils nous sont familiers car nombreux, d'autre part car ils sont bien visibles. Dans le moindre hameau  la construction édifiée en pierre, hors sol, pour protéger l'eau contre les impuretés, vient compléter de son architecture ouvragée et quelquefois datée, les dépendances de nos anciennes fermes (granges, hangar, et parfois fours).

           

             Nous avons actuellement recensé 29 puits localisés pour l'essentiel au Bourg (23). Les 6 autres se partagent entre les Vergerons, le Grand-Nadaud, Séguignac et le Ménisson, Leur profondeur est variable, de - 1 à - 7 m au Bourg avec des interférences entre certains, forés sur la même nappe phréatique, plusieurs nappes alimentant le Bourg. La fontaine du bas du  Bourg n'étant jamais  asséchée quant à elle. Certains puits sont communs à plusieurs propriétaires (celui de Mme LASTERRE par exemple).

 

            La nature des couches géologiques étant différente au niveau des hameaux, on peut atteindre des profondeurs plus importantes (- 40 m au Ménisson).

 

         Nous avons répertorié 40 citernes. Une seule se trouve au bourg, chez M. COOPER. Elles sont de générations différentes, les plus anciennes enterrées, construites en pierre et présentant une architecture plus ou moins recherchée, les plus récentes apparentes, en béton, décorées d'une étoile, remontant nous le pensons, à l'après-guerre.

 

 Leur finalité étant la récupération des eaux pluviales, elles s'accompagnent de bacs de réception couverts, contenant du laitier pour assurer la filtration et de bacs de décantation, reliés par un réseau de tuyaux enterrés. Leur capacité est variable et peut aller de 14 m3 à Labrousse jusqu'à 60 m3 à Séguignac.

 

 Dans l'ensemble, elles sont bien conservées et même si elles possèdent encore leur manivelle et leur seau accroché au bout de la chaîne, elles sont souvent accompagnées d'une petite pompe électrique pour pourvoir à l'arrosage des jardins.

 

 Nous en avons rencontré une transformée en barbecue et quelques autres comblées de déchets divers. Certaines auraient besoin en urgence de travaux de réfection faute de quoi elles vont bientôt disparaître du paysage.   

                          

Enfin, arrêtons-nous à la Cave pour signaler l'existence d'une pompe à godets installée sur une citerne et ayons une pensée pour l'ancien château d'eau du château dont le pied en maçonnerie a été décoiffé de sa citerne.

 

Les fontaines

           Si chacun connaît ce que nous appelons la fontaine du bas du Bourg qui est en réalité un puits, et celle de la Plagne accompagnée de son lavoir, il est moins évident, à froid, d'en citer une autre.

 

        L'étude du cadastre napoléonien confortée par des conversations avec de vieux habitants de CHARRAS nous a conduits à découvrir celle de Séguignac et celle de Jumillac qui possède un très beau bâti, malheureusement en voie de disparition. Restent dans nos tablettes la fontaine du laitier, la fontaine de Denis, celle de font Pouzat… et peut-être encore une autre au bas de Grosse Forge. Ces fontaines correspondent à des sources. Il nous faut les redécouvrir.

 

Les lavoirs

         La aussi, nous ne connaissions que celui de la Plagne, excluant du nombre la fontaine du bas du Bourg. Un tel équipement pour le village a bien été dans les projets du Conseil municipal, mais combien de projets n'ont jamais vu le jour…

 

            Récemment nous avons découvert sur la route d'ANGOULEME, en contre bas juste à gauche après la route menant à l'abbaye, un lavoir alimenté par le trop plein de l'étang. Ce lavoir est distinct de celui de l'abbaye même qui se trouve dans le prolongement du verger, à hauteur des viviers et il semble bien qu'il ait été destiné aux habitants du bourg et des proches hameaux.

 

Les mares

            Si les mares faisaient partie du paysage de nos grands parents et avaient de l'importance pour l'économie rurale - et nous avons vu comme elles étaient nombreuses il y a plus d'un siècle et demi -, elles en ont disparu pour des motifs de sécurité, d'hygiène et ne répondant plus aux besoins.

 

            Certaines subsistent en plus ou moins bon état. Nous en trouvons à Jumillac, à la Cave, à Besoche et à Séguignac notamment.

 

            Voici donc une première synthèse du fruit de nos recherches. Nous avons constitué une base de données et de photographies intéressante, mais qui ne prétend pas être complète. Nous comptons sur chacun d'entre vous pour nous signaler l'existence de ce que nous aurions oublié dans ce patrimoine hydraulique qu'il convient à tout prix de protéger, de restaurer afin de le transmettre aux générations à venir car, comme mentionné plus avant, certains petits bâtiments menacent de disparaître. Il est urgent d'agir.

 

            Cet article ne manquera pas d'avoir une suite. Il est dans nos projets de l'exploiter sous forme d'exposition, si nous en trouvons le temps…

 

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P.S. Depuis la rédaction de cet article, nous avons complété nos découvertes : la fontaine du Laitier, celle située au bas de Grosse Forge, Font Pouzat et Font Denis au delà des Vergerons... ne sont plus des inconnues pour nous, ainsi qu’une fontaine, à l’est de Jumillac, en limite du département. Perdue dans les champs, elle est dotée d’un joli petit édicule qui, malheureusement, est bien menacé par la végétation…

 



[1] Joseph Piveteau, Inventaire Archéologique de la Charente Gallo-romaine, MSAHC 1958.

 

[2] Gustave CHAUVET. Séance du 13 novembre 1878 de la SAHC.

 

[3] Revue CHARRAS d'Hier et d'Aujourd'hui n°5.