DES PIERRES ET DES HOMMES
par Linda DOUIFI
journal SUD-OUEST 14-05-2011
Ne pas oublier. Tel est le but que poursuit l’association Charras d’hier et d’aujourd’hui. Et Jean-François Gallet, le secrétaire, de justifier : « Pour nous, le passé aide à comprendre le présent, aide l’individu à se construire. » D’où le nom de l’association.
Pour ses 21 ans, ses membres organisent aujourd’hui une exposition émouvante, « mais pas nostalgique », intitulée « Petit patrimoine et visages à ne pas oublier ». Des dizaines de photos de vie quotidienne recueillies auprès des familles du village, les richesses patrimoniales petites ou grandes recensées et affichées sur des panneaux explicatifs, la reproduction des cadastres napoléoniens… L’exposition se veut multiple. Les habitants du coin reconnaîtront forcément certains endroits, voire des visages.
Souvenirs, souvenirs
Depuis sa création en 1990, Charras d’hier et d’aujourd’hui s’efforce de faire découvrir, connaître et aimer cette commune de 360 âmes, à travers son patrimoine et son environnement naturel.
Outre les recherches historiques traditionnelles, l’association écoute et consigne la parole des anciens ainsi que leurs souvenirs. Des souvenirs de classe, de guerre ou de fêtes. « Ces photos collectées auprès de la population ont déjà donné lieu à une exposition en 2003. Et lorsque nous en avons initié une nouvelle sur le petit patrimoine, nous avons décidé de les ressortir car, malheureusement, nous sommes un village vieillissant, et certains visages ont déjà disparu. Nous ne voulions pas les oublier ».
Au fil de l’exposition, on découvre en noir et blanc l’effervescence qui régnait autour du petit train de la frairie de Charras, ou en couleur l’équipe de foot de 1989 dans laquelle on reconnaît certains élus d’aujourd’hui.
Tout amateurs qu’ils soient, certains clichés d’époque font penser à des scènes de Doisneau. Comme ce couple de petits vieux, frère et sœur, qui se regarde affectueusement, ou ce portrait austère d’Odette Lannes, institutrice à Charras entre 1919 et 1924, pris vers 1921. Ou encore ces photos de classes des années 1920.
Un soldat de Napoléon
L’humain est ainsi mis au cœur de l’exposition. Mais la richesse patrimoniale de la commune n’est pas oubliée. « Nous disposons d’une église du XIIe siècle, l’église Saint-Vivien, l’une des rares fortifiées en Charente », détaille Jean-François Gallet, passionné par le sujet. Charras compte également un château. « Les affaires culturelles émettent l’hypothèse qu’il y ait eu un château fort car la commune se situe sur un point culminant sur les contreforts du Limousin. Des mâchicoulis présents sur l’église laissent à penser que, par la suite, elle aurait servi de point fortifié pendant la Guerre de cent ans. »
Charras abrite aussi l’abbaye de Font Vive rebaptisée de Grosbot depuis son passage dans l’ordre cistercien, un dolmen découvert en 1897, deux menhirs… Sans oublier le petit patrimoine composé d’une vingtaine de puits, de citernes, de fours à pain – car à l’époque, les familles étaient autonomes – et autres vestiges d’antan. Autant de richesses, dont certaines sont classées à l’inventaire des Monuments historiques, répertoriées par l’association Charras d’hier et d’aujourd’hui. « À travers nos recherches, on a découvert d’anciens lieux-dits et même l’histoire de grandes familles locales comme la dynastie des La Laurencie. On a été étonné de voir que le village avait un passé aussi riche. »
Même le cimetière a donné lieu à des révélations. On y trouve ainsi la tombe d’Étienne Delage, né à Grassac, puis marié à une femme de Charras. L’homme aurait servi pendant quinze ans Napoléon. Il aurait été de toutes les campagnes et est titulaire de la Légion d'Honneur.
« Je pense qu’on trouve une telle richesse dans de nombreux villages charentais. Encore faut-il la chercher… », estime Jean-François Gallet. Celle de Charras est en tout cas à découvrir toute la journée.